Bénin : les enjeux de la gratuité de l’école

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 Bénin : les enjeux de la gratuité de l’école

Permalien 17:26:48, par Jerôme CARLOS Email , 980 mots, 875 vues   French (FR)
Catégories: Chroniques
Bénin : les enjeux de la gratuité de l’école

La nouvelle est bonne : on ne payera plus ni contributions, ni souscriptions à l’école maternelle et à l’école primaire pour compter de cette rentrée scolaire sur toute l’étendue du territoire national du Bénin. C’est l’une des décisions qui a sanctionné le conseil des ministres du samedi 13 octobre 2006. Un pas décisif vers la gratuité de l’école.

L’Etat, qui a brillé ces dernières années par un désengagement progressif du système éducatif, semble ainsi avoir changé son fusil d’épaule. La décision qui vient d’être prise a l’immense avantage de recentrer la question de la participation de la puissance publique dans la vie de l’école. Cela donne une mesure politique de haute portée sociale dont il convient de faire une saine lecture.

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Les parents en seront, sans nul doute, soulagés, pris à la gorge qu’ils ont été, jusqu’ici, par des taux de contributions et de souscriptions à géométrie variable. Ce sont eux qui se sont faits, par leurs multiples sacrifices, les vrais bailleurs de fonds de l’école béninoise.

Ne tournons donc pas la page de l’école maternelle et primaire payante sans une pensée pour la foule de ces parents, valeureux citoyens anonymes. Pendant que l’Etat faisait l’école buissonnière, ils y sont allés de leur poche pour assurer la survie de l’institution, pour la maintenir en vie, la tête hors de l’eau. Ayant été ainsi longtemps à la peine, il est juste et bon qu’ils soient, aujourd’hui, à l’honneur et à la lumière.

L’école maternelle et primaire, soulagées de contributions et de souscriptions, c’est assurément une bonne mesure à saluer comme une avancée sociale de tout premier ordre. Elle est à même de contribuer à changer, du tout au tout, le rapport au savoir de nos populations. Avec à la clé, l’émergence d’un nouveau type de Béninois.

Le principe de l’égalité des chances qui ponctue nos discours, base indispensable pour l’édification d’une société démocratique, y trouve, en effet, de manière concrète et immédiate, sa manifestation la plus éclatante, son illustration la plus vivante.

Dans ce contexte nouveau, nous n’entendons plus voir un Béninois, une Béninoise, marqué de la tare originelle d’une ignorance fatalement subie, d’une ignorance lestée pour lui du fardeau moral d’avoir à traverser la vie sans la prime et l’indispensable initiation dans le bois sacré moderne de l’école.

C’est au regard de telles considérations qu’il convient d’appréhender l’exacte responsabilité de l’Etat dans ce bel engagement citoyen qui a valeur d’une révolution. Ici, faut-il le rappeler et le souligner, la moindre défaillance, la moindre faiblesse fera s’écrouler l’édifice comme un château de cartes. La gratuité à l’horizon se réduirait alors à un simple effet d’annonce, à un banal feu d’artifice destiné à amuser la galerie.

Si un accompagnement conséquent de l’Etat devait faire défaut à cette belle expérience qui s’ouvre, nous n’aurions rien fait d’autre que d’asseoir les bases d’une collectivisation de l’école, alors rendue au destin médiocre de la plantation de Monsieur et de Madame tout le monde. On pourrait alors y entrer comme dans un moulin. Avec ce que cela suppose de pagaille organisée et de désordre institutionnalisé.

Si un accompagnement conséquent de l’Etat devait faire défaut à cette belle expérience qui s’ouvre, nous n’aurions rien fait d’autre que de consacrer un système de saupoudrage de l’école, en la recouvrant d’un simple principe sans contenu, par conséquent sans effet notable. Va donc pour un vernis de gratuité appelé, du reste, à vite s’écailler à l’épreuve des dures réalités quotidiennes du terrain.

Si un accompagnement conséquent de l’Etat devait faire défaut à cette belle expérience qui s’ouvre, nous n’aurions rien fait d’autre que de transformer l’école en un vaste espace de déjections. Toute la société serait alors appelée à se libérer de ses déchets en y allant déposer et parquer ses tarés et ses dégénérés, ses débiles et ses idiots que nous serions tous devenus.

Voilà l’enjeu de la gratuité de l’école maternelle et primaire dans notre pays, ceci soit en termes d’horizon lumineux et radieux vers lequel nous pourrions immédiatement prendre notre envol, soit en termes d’une descente irrémédiable aux enfers, descente que nous amorcerions tout aussitôt.

Il faut donc saluer avec chaleur l’une des plus belles décisions sociales du « Yayisme », décision désormais en bonne place dans le panier des ingrédients devant contribuer au changement que nos compatriotes appellent de leurs vœux.

Mais il ne sert à rien de se laisser aller à une euphorie débordante et incontrôlée. La veille citoyenne commence dès aujourd’hui même pour rendre effective et pleine une telle mesure appelée à être le déclic du vrai changement. Toutes les grandes révolutions qui jalonnent l’histoire de l’humanité ont pour caractéristiques d’avoir été prioritairement mentales, en ce qu’elles ont d’abord touché les hommes et les femmes d’une société en esprit.

Dans le cas qui nous occupe, on reconnaîtra aisément que l’ignorance est plus noire que la nuit et qu’une nation ne sort des ténèbres que si la majorité de ses membres accède aux lumières de la connaissance. Le vrai changement n’est-il pas à ce prix ?

Jérôme Carlos
Chronique du jour du 17 octobre 2006

Monsieur Jerôme Carlos : Historien, journaliste et Chroniqueur
Monsieur Jerôme Carlos : Historien,
journaliste et Chroniqueur

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